Faux profil Facebook pour une journaliste de la RTBF, comme RésistanceS

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  | 5 mai 2015


En mai 2014, le journal en ligne RésistanceS avait été sanctionné par la justice pour avoir utilisé, en 2009, un profil imaginaire sur Facebook pour mener une enquête d'investigation. Ce mercredi, la RTBF a diffusé un reportage réalisé grâce à un faux profil... Qu'en pensent ceux qui avaient refusé de soutenir RésistanceS ? Quelle sera l'attitude de l'Association des journalistes professionnels (AJP) ? Comme pour RésistanceS, apportera-t-elle une critique sévère contre la RTBF ?



Parmi les journalistes, une minorité sont des journalistes d'investigation. Chez ces derniers, la méthode « undercover » est parfois utilisée. Pour pouvoir mener à bien leur enquête, ils avancent alors masqués. Y compris sur Facebook. Cette pratique fait polémique au sein de la profession des professionnels des médias. Un constat : malgré des désapprobations de certains et une condamnation judiciaire, elle est toujours utilisée par la presse.

Au programme de la chaine télé La Une (RTBF) de ce mercredi soir, l'émission d'investigation « Devoir d'enquête ». Le thème : les filières de recrutement de jeunes belges musulmans pour partir combattre dans les rangs de Daesh (Etat islamique), l'organisation sectaire musulmane responsables d'épurations ethniques et religieuses, de crimes de masses, d'esclavage et d'attentats commis en son nom en Europe (à l'épicerie juive Hyper Casher à Paris, le 9 janvier dernier...).

Pour mener à bien son enquête d'investigation, l'équipe de journalistes de la RTBF a créé un faux profil Facebook. Avant elle, d'autres journalistes avaient déjà opté pour cette méthode. Comme le rappelait le 18 janvier dernier le quotidien L'Avenir, dans l'article « ''Dans la peau d’une djihadiste'': le témoignage terrifiant d’une journaliste infiltrée », consacré au livre d'Anna Erelle (prénom d’emprunt), une journaliste française ayant pénétré un réseau de recrutement pour le compte des djihadistes.



Comme RésistanceS
Afin de réaliser une enquête sur l'utilisation des réseaux sociaux par les mouvements néonazis pour diffuser leur propagande et recruter de nouveaux membres, le journal en ligne RésistanceS, en 2009, avait décidé d'investiguer de manière masquée sur Facebook. Dans cet objectif et conformément à la déontologie journalistique, un profil imaginaire fut ouvert.

Suite à une plainte déposée, en 2010, par Georges-Pierre Tonnelier, alors dirigeant du Front national belge, deux membres de la rédaction de RésistanceS, Julien Maquestiau et moi-même, seront poursuivis au pénal devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.


Article du quotidien Le Soir sur le procès contre RésistanceS enclenché par le numéro deux du Front national de l'époque.


Refus de soutien
Pour nous soutenir dans cette saga judiciaire qui durera près de quatre ans, un appel public sera lancé. Une minorité de ceux qui furent invités à le signer refusa. Souvent pour d'étonnantes raisons et, dans la plupart des cas, en apportant des explications alambiquées ou maladroites.

Il s'agit d'Henri Goldman (codirecteur de la revue Politique), de Jérôme Jamin (politologue à l'Université de Liège et rédacteur en chef du journal des Territoires de la mémoire), d'une partie du conseil d'administration de la section belge francophone de la Ligue des droits de l'Homme, de l'association Bruxelles laïque (la régionale du CAL)... toujours conseillés en la matière par le même Jean-Jacques Jespers (ex-journaliste de la RTBF).

Pour comprendre l'étonnante position de ce dernier sur notre « affaire », il est nécessaire de savoir que juste avant le lancement de l'appel pour nous soutenir, un différend avait eu lieu avec lui. Ce clash faisait suite à la polémique suscitée par le sabotage, par des militants islamo-communautaristes, d'une conférence-débat de Caroline Fourest à l'Université libre de Bruxelles (ULB) contre l'extrême droite. Jean-Jacques Jespers avait alors pris la défense du principal organisateur de l'action préméditée qui empêcha la journaliste française de librement s'exprimer à l'ULB. Pour sa part, le journal RésistanceS l'avait réprouvé.

Après la diffusion hier soir de l'émission « Devoir d'enquête » de la RTBF et ses révélations sur l'utilisation d'un faux profil Facebook, il serait intéressant de connaitre maintenant la position de ceux qui avaient refusé jadis de nous soutenir. Et notamment de Jean-Jacques Jespers, une des anciennes « vedettes » de notre télévision publique.


Un soutien plus large

Malgré ces quelques refus, marginaux et obscurs, plus de 120 journalistes, rédacteurs en chef, professeurs d'université en journalisme et en déontologie journalistique (de l'UCL et de l'IHECS), le directeur belge de Reporters sans frontières... signeront l'Appel de soutien à RésistanceS (voir ici). Celui-ci sera ensuite publié dans les journaux Marianne Belgique et La Libre Belgique (notre illustration, ci-contre).


Après la diffusion de l'émission « Devoir d'enquête », à RésistanceS, nous sommes encore plus convaincus que les enquêtes journalistiques « undercover », y compris avec de faux profils, restent nécessaires. Parce que pour que des journalistes puissent aboutir dans leur investigation, cette méthode est parfois l'unique solution pour desceller le vrai visage d'organisations qui avancent, elles, masquées sur la scène médiatique.

L'enjeu est essentiel. « En utilisant les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube…) ou en suivant les activités de groupes ultranationalistes (avec ou sans méthodes ''undercover''), des journalistes arrivent à produire des enquêtes exclusives sur des milieux où ils n’ont pas vraiment bonne presse », écrivait en 2011, un an après le début de la saga judiciaire contre RésistanceS, Mehmet Koksal *, journaliste indépendant et vice-président de l'Association des journalistes professionnels (AJP) !


La rédaction de RésistanceS




Affiche réalisée en 2013 par le journal d'investigation RésistanceS


* Mehmet Koksal in « Enquêter sur les milieux d’extrême droite », article publié le 15 octobre 2011 sur « Le blog investigation » de l’Association des journalistes professionnelles (AJP) et du Fonds pour le journalisme (FPJ).


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