« Charlie » antifasciste et antiraciste

RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite  Jeudi 7 janvier 2016 – Première édition en février 2015 dans le journal belge Même Pas Peur]



ATTENTAT CONTRE LA LIBERTE D'EXPRESSION - Depuis toujours, par l'humour, le dessin et le texte, Charlie Hebdo est aussi – et surtout - au coeur de la résistance à la « lepénisation des esprits ». Tout récemment encore, ce journal satirique ciblait Eric Zemmour, le chroniqueur alarmiste d'une France occupée par les musulmans. Malgré cela, il a été la cible des disciples de tous les dogmes fondamentalistes > Publication - pour la première fois sur Internet – d'un article de Manuel Abramowicz paru dans le n° zéro (février 2015) de Même Pas Peur, le « journal satirique et désobéissant », créé le lendemain de l'attentat contre Charlie – NI OUBLI NI PARDON.


Sur le temps de midi, le 7 janvier 2015, après avoir été prévenus par téléphone, par l'un de nos amis, de l'attaque terroriste contre la rédaction de Charlie, des membres de la rédaction de RésistanceS, webjournal d'investigation antifasciste et antiraciste, ont eu le coeur qui saigna directement.

Depuis plusieurs années, ils avaient des contacts avec des journalistes et dessinateurs de Charlie Hebdo. Il y a une quinzaine d'année, à Bruxelles, avec Luz nous nous étions retrouvés à la tribune d'un colloque sur la montée de l'extrême droite en Europe. Luz publiait alors un feuilleton hilarant et au vitriol dans Charlie sur la vie quotidienne à Vitrolles. Cette petite ville, dans les environs de Marseille, était tombée sous la coupe du couple Mégret, dont l'époux, Bruno, était à l'époque encore le numéro deux du Front national.


Montage réalisé par Manuel Abramowicz (RésistanceS), une heure après l'attaque terroriste du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo. A ce moment, seuls les noms de Charb, Cabu, Tignous et Wolinski figuraient dans la liste des membres de la rédaction assassinés. Ce visuel fut directement diffusé sur Internet par RésistanceS.



Charlie Belgo
Il y a trois ans, avec mon ami caricaturiste et photographe Theo Poelaert, nous avions été à l'initiative d'une édition belge de Charlie. Notre idée : la glisser dans les exemplaires vendus dans notre plat pays. Après un sondage réalisé auprès de lecteurs l'achetant à Saint-Gilles (le Saint-Germain-des-Prés bruxellois, selon le chanteur Claude Semal), des premiers contacts positifs pris avec quelques autres amis (journalistes, avocats, dessinateurs, humoristes...) et une interview de Marc Lits, professeur à l'Ecole de journalisme de l'Université de Louvain-la-Neuve, sur la faisabilité d'un tel lancement, j'ai appelé Charb pour lui proposer notre projet inédit.

Ce dernier portait le titre de Charlie Belgo... Charb fut très intéressé par notre proposition. La suite est une autre histoire...

Politiquement et religieusement incorrects 

Dans l'histoire récente de Charlie Hebdo, il faut rappeler qu'il a été la cible d'un secteur particulier de la gauche institutionnelle. Ce dernier se caractérise par son angélisme. Il est profondément habité par la culpabilité de « notre civilisation » et par le complexe en différé de la colonisation (comme si nous en étions tous responsables). Ce secteur est bien connu pour ses positions communautaristes qui revendiquent des accommodements raisonnables sans quasi plus aucune limite.

Cette gauche complexée a intenté à Charlie un injuste procès en sorcellerie. La gazette satirique sera montrée du doigt. Accusée d'être l'un des pivots de la « gauche islamophobe ». Les attaques ont aussi été lancées par des sociaux-démocrates et autres humanistes (souvent ex-chrétiens) par simple calcul politique : être contre Charlie pouvait sans doute, selon leur stratégie opportuniste, rapporter un peu plus gros aux élections auprès de certains « nouveaux électeurs ».

Des hommes d'Eglise (catholique) ont alors profité de la brèche ouverte. Toujours disciples d'un fondamentalisme stricto sensu, ces ecclésiastiques d'un autre temps ont également mis, comme leurs homologues salafistes sunnites, mollahs chiites ou rabbins rabiques, au pilori médiatique, comme jadis sur les places publiques, ce journal libertaire, anti-autoritaire (un héritage soixante-huitard), réfractaire aux dogmes et aux pouvoirs théocratiques. Pour mettre à mal la « liberté d'expression » de Charlie, une « sainte alliance » (informelle mais visant le même but) s'est formée. Sa composition : un patchwork sans couleurs, parce que très sinistre, formé d'ex-gauchistes devenus communautaristes, de politiciens opportunistes, d'intégristes musulmans, catholiques, juifs....

Ces adeptes variés du politiquement et du religieusement corrects ont alors présenté Charlie comme un journal raciste. Certes, la dernière période de l'ère Philippe Val pouvait être critiquée. Mais depuis son départ (grâce à Sarko, qui le récupéra en radio !), le journal redevint celui que nous avions toujours aimé.

Antifasciste et antiraciste

A l'heure de la vague « Je suis Charlie », suivie de la digue « Je ne suis pas Charlie », il est juste de rappeler que ce journal fut engagé à 100 % dans la lutte et la résistance à l'extrême droite, à leurs gourous, à leurs discours racistes, mais également anti-Islam ! C'est notamment pourquoi, Jean-Yves Camus, l'un des meilleurs spécialistes français contre l'extrême droite (et à ce titre correspondant outre-Quiévrain de RésistanceS), publie depuis un certains temps déjà des articles dans Charlie.

En 1995, le journal satirique et engagé avait lancé une gigantesque pétition nationale pour mettre hors d'état de nuire le Front national de Jean-Marie Le Pen, parce que ce parti a pour « but politique de faire disparaitre la République ». Son initiative ne reçut qu'un minimum de soutien chez les « responsables démocrates et pragmatiques », rappelait en janvier 2014, Gérard Biard, son rédacteur en chef, dans l'édito d'un hors-série contre le FN (« Le Front national expliqué à mon père »), écrit par Jean-Yves Camus et l'historien de l'extrême droite française Nicolas Lebourg.

Le diagnostic de Charlie : depuis le passage du flambeau entre le père-fondateur (Jean-Marie) et la fille-héritière (Marine), ce parti d'extrême droite n'a en réalité pas changé. Il s'est juste adapté au contexte socio-économique actuel. Biard écrit : « Il a effectué une mue, pour se mettre en phase avec le climat et l'environnement politique dans lequel il compte évolué, et qui ne lui a jamais été aussi favorable. C'est la nature de cette mue que Charlie veut aujourd'hui comprendre, ce qu'elle implique et ce qu'elle cache, afin de pouvoir continuer à combattre, comme nous l'avons toujours fait, un parti historiquement raciste et xénophobe, antiparlementariste, qui défend la laïcité lorsqu'elle est attaquée par La Mecque mais qui regarde ailleurs quand elle est bafouée par Rome. »

Ni oubli ni pardon ! No Pasaran ! (*)

Le 7 janvier 2015, l'assassinat collectif de la rédaction de Charlie est le résultat des discours criminogènes de leaders de mouvements sectaires politico-religieux, très proches des rhétoriques, de la dialectique, du corpus et du « savoir-faire » de l'extrême droite. Les terroristes lobotomisés par le fanatisme religieux (lui même exploité à des fins politiciennes)... se sont attaqués à la liberté d'expression et à un journal antifasciste et antiraciste.

Nous ne l'oublierons jamais.


MANUEL ABRAMOWICZ
RésistanceS  Observatoire belge de l'extrême droite 
    (*) « Ni oubli ni pardon » est un slogan scandé notamment, en juin 2013, après l'assassinat du jeune antifasciste Clément Méric, à Paris, par une bande de nazi-skins. « No Pasaran » (en français : « Ils ne passeront pas ») est un slogan antifasciste des Républicains espagnols durant la guerre civile (1936-1939).


> Un pêle-mêle de RésistanceS de quelques couvertures et hors-séries antifascistes de Charlie.


Montage : M.AZ / RésistanceS / Janvier 2015




Résistanceest aussi sur



© RésistanceS asbl | Bruxelles | Jeudi 7 janvier 2016. Première édition de cet article dans le journal belge Même Pas Peur, en février 2015