RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Jeudi 24 mars 2016
Réactualisé le 22 juillet 2016 > reprise de cet article par les Territoires de la Mémoire. A la fin de l'article
OBSERVATION
& ANALYSE – Contre
le terrorisme, les partis et mouvements
extrémistes de droite revendiquent des mesures radicales: tribunal
et prison militaires, peine de mort pour les terroristes arrêtés,
expulsions des familles de ceux-ci dans leur pays d'origine,
poursuite judiciaire pour trahison des politiciens jugés
responsables du laxisme ayant permis les attentats de Bruxelles...
L'extrême droite n'a pourtant pas de leçon à donner en matière de
terrorisme. L'extrémisme islamiste et l'extrémisme fasciste sont
les deux faces de la même pièce
– TOUR D'HORIZON.
Dès
les premières minutes après les deux attentats perpétrés, à
l'aéroport international de Zaventem puis à la station de métro
Maelbeek, par un commando belge de l'Organisation de l'Etat islamique
(El Daesh), à Bruxelles (31 morts et plus de 300 blessés
répertoriés à la date de ce 24 mars), des partis et des mouvements
d'extrême droite se sont manifestés pour tenter d'en récupérer un
bénéfice politique. Comme des vautours. Une habitude.
L'extrême droite belge
Ayant
eu lieu sur le sol national que dit précisément notre extrême droite locale de
ces horribles attentats ? Quelles interprétations
formule-t-elle pour en expliquer les raisons ? Pour mettre fin
au terrorisme, l'extrême droite revendique, comme tout le monde,
plus de sécurité, mais avec quels moyens en particulier ? En
appliquant quels types de mesures ? Pour le savoir, le journal
d'investigation RésistanceS a consulté les médias
d'informations des partis, des organisations et des groupuscules
nationalistes, identitaires, solidaristes et néofascistes de
Belgique. Voici le résultat, non-exhaustif, de notre tour d'horizon
de la fachosphère.
Environ
vingt-quatre heures après les attentats de mardi, une importante
délégation du Vlaams Belang (VB) s'est rendue à quelques mètres
de la station de métro Maelbeek. Elle y a fait une minute de
silence, après avoir déposé une gigantesque couronne funéraire au
nom du VB. Son très jeune président, bon chic bon genre, Tom Van
Grieken, en a profité pour dénoncer « le
laxisme du gouvernement
fédéral, dont les membres avaient auparavant critiqué la politique
du PS »,
lorsque celui-ci était au pouvoir. Contre le terrorisme, le parti
d'extrême droite flamand demande l'abrogation de la loi Lejeune qui
permet la libération anticipée de criminels.
Pour le Vlaamse
Solidaire Vakbond (VSV), la structure pseudo syndicale mise en place
par le VB, il y a maintenant cinq ans, le terrorisme est une des
« conséquences
néfastes de la politique des autorités européennes ».
Le VSV estime que pour vaincre ce fléau, « il
est grand temps de faire le ménage à Molenbeek et de fermer les
frontières. ».
Des mesures préconisées, pour la première, par Jan Jambon, le
ministre fédéral N-VA de l'Intérieur, pour la seconde, par Marine
Le Pen.
Terrorisme
islamique et laxisme politique
Marco
Santi, le président de Démocratie Nationale (DN), un des pseudopodes du
Front national belge, écrit sur son compte Facebook que les
attentats de mardi « renforcent
encore notre détermination à combattre tous ceux qui attaquent nos
libertés, notre culture, nos valeurs démocratiques, mais également
les politiciens belges qui, à cause de leur laxisme depuis des
décennies, ont permis le développement de ces cellules terroristes
et favorisé l'islamisation de la Belgique et de l'Europe. »
Le
lendemain des attentats, le groupuscule Génération
Identitaire Wallonie, apparue dans la région liégeoise en
janvier 2015, va relayer l'appel « Tous
unis contre la haine islamiste »,
déjà lancé en France par l'organisation de jeunesse du Bloc
identitaire, un mouvement d'extrême droite préférant au
nationalisme français du FN lepéniste une « Europe des
régions », sur une base ethnique (raciale). Pour les
identitaires wallons, il est impératif de faire « face
à la haine de nos ennemis ».
Ils estiment encore que pour faire « face
aux tueries qui se multiplient »,
l'union est nécessaire
« pour
sauver l'Europe et les Européens. »
L'un
des anciens secrétaires généraux du FN belge, aujourd'hui membre
de la direction bruxelloise du Vlaams Belang, Patrick Sessler, sur
une image postée sur son compte Facebook, reprenant les photos des
anciens ministres de la justice socialistes Philippe Moureaux (au
début des années quatre-vingt), Laurette Onkelinx (plus récemment)
et l'ex-ministre de l'Intérieur CdH Joëlle Milquet, écrit :
« Voilà les coupables
! A quand un procès pour haute trahison ? ».
Les
« autres
responsables » de ces
actions terroristes sont facilement identifiables, selon le mouvement
« national-solidariste » Nation. Une liste est ainsi
proposée, dans un de ses énièmes communiqués de presse, jamais
repris par ailleurs par les médias : « les
politiciens de tous les partis, les nombreuses associations qui n'ont
cessé d'essayer de distraire l'opinion publique en criant au
''danger d'extrême-droite'' et les magistrats qui ont sans cesse
utilisé des ressources policières pour surveiller et réprimer les
patriotes. ».
Mesures
antiterroristes sionistes
L'Alternative
nouvelle solidariste (Nieuwe-solidaristische alternatief, N-SA), un
minuscule groupe d'action nationaliste néerlandophone, implanté à
Anvers et à Bruges, conduit par Eddy Hermy, membre dans les années
septante et quatre-vingts de la direction du Vlaamse militanten orde
(VMO), une milice privée néonazie, exige que soit appliquée la
peine de mort pour les terroristes. La N-SA plaide pour que « les
terroristes détenus soient transférés dans des prisons militaires
et condamnés par des tribunaux militaires. ».
« C'est
la loi militaire qui devrait être d'application contre eux »,
écrit Eddy Hermy, ce mercredi sur le site de son groupuscule. Mais
que faire des familles des terroristes ? La solution est simple
pour le chef de la N-SA : « Nous
exigeons également que tous les membres de la famille des
terroristes tués soient rapatrié dans leur pays d'origine, avec la
confiscation de tous leurs biens et avoirs, meubles et immeubles.
Ceci devrait servir comme moyen de dissuasion à d'autres
terroristes. Une mesure bien plus efficace que tout programme de
déradicalisation proposé par les autorités politiques. ».
Connue pour ses positions radicalement antisionistes et
propalestiniennes, la N-SA s'inspire ici pourtant d'une mesure en
vigueur en Israël. Outre une référence paradoxale, cette mesure
répressive israélienne n'a pas pour autant mis fin au terrorisme.
Pour
faire face à la menace terroriste, un responsable de la mouvance
national-catholique proche du mouvement Nation, Arnaud Palmaers,
trois heures après le second attentat, sur Facebook, avait lancé
pour sa part un appel à la création d'« un
grand mouvement de résistance à l'islamisation et à la décadence
en Belgique, une nécessité de plus en plus pressante ».
Pour mener ce nouveau combat, ce « fou de dieu » chrétien
se réfère à Godefroy de Bouillon, l'un des chefs des croisades
chrétiennes de jadis contre les armées musulmanes. Une figure
historique récupérée, depuis longtemps déjà, par l'extrême
droite.
Manifestation contre la « terreur musulmane »
L'option
militariste contre les terroristes est encore préconisée par
l'Alliance
nationaliste wallonne (ANW). Une heure après le massacre commis dans
le métro bruxellois, cette petite formation d'ultra droite, active
dans les provinces de Liège et du Luxembourg qui négocie
actuellement une fusion avec le FN belge, publie sur sa page Facebook
le message d'un de ses responsables : « Citoyens !!
L'heure est grave !! Nous sommes en situation semblable à la
guerre à cause du laxisme de nos gouvernements. Préparons-nous et
levons-nous tous ensemble pour que cela n'arrive plus et osons aller
nous même au combat !!! ».
Dans son profil de présentation personnelle, l'auteur de ces lignes
belliqueuses informe qu'il a travaillé à l'armée belge.
S'agit-il
ici que de mots ? Des formules à l'emporte-pièce ? Le
passage de l'extrême droite à l'action contre le terrorisme
islamiste pourrait se dérouler le 16 avril prochain à Anvers. Pour
cette date, suite aux attentats à Bruxelles de Daesh, la branche
flamande des Patriotes européens contre l'islamisation de
l'Occident (Pegida Vlaanderen) programme une « marche
contre la terreur musulmane ».
Le même jour, la N-SA, invite ses militants et sympathisants à un
rassemblement devant la prison de Bruges où sont emprisonnés les
terroristes de Daesh, Salah Abdeslam et Mehdi Nemmouche.
L'extrême droite, l'autre face de la violence
Comme
il a été constaté, dans notre tour d'horizon de la galaxie
facho-belge, ses membres les plus représentatifs ont des solutions
immédiates à proposer pour mettre fin au cancer du terrorisme qui
ravage notre société. Mais l'extrême droite est-elle la mieux
placée pour lutter contre la terreur ?
L'histoire
et l'actualité l'enseignent : le terrorisme est également une
arme utilisée par des groupes d'extrême droite. Des attentats
meurtriers commis par l'OAS (plus de 2.200 morts et 5.000 blessés)
lors de la guerre d'Algérie au début des années soixante aux
massacres de masse commis en juillet 2011 par l'islamophobe Anders
Breivik (77 jeunes norvégiens assassinés), en passant par la bombe
qui ravagea la gare de Bologne en 1980 (85 morts), les tueries du
Brabant (officiellement 28 tués), l'attentat d'Oklahoma city (168
morts et 680 blessés)...
De plus, l'extrémisme islamiste de Daesh a besoin de l'extrémisme de la droite radicale pour alimenter une atmosphère anti-musulmane. Le racisme et la musulmanophobie sont bénéfiques aux intégristes musulmans comme argument de recrutement de nouveaux disciples à leurs thèses conspirationnistes. De part et d'autre, plus les tensions persisteront et la violence se déploiera, plus les extrémistes des deux bords verront les rangs de leurs combattants et de leurs électeurs augmenter. L'extrémisme islamiste et l'extrémisme fasciste sont les deux faces de la même pièce.
De plus, l'extrémisme islamiste de Daesh a besoin de l'extrémisme de la droite radicale pour alimenter une atmosphère anti-musulmane. Le racisme et la musulmanophobie sont bénéfiques aux intégristes musulmans comme argument de recrutement de nouveaux disciples à leurs thèses conspirationnistes. De part et d'autre, plus les tensions persisteront et la violence se déploiera, plus les extrémistes des deux bords verront les rangs de leurs combattants et de leurs électeurs augmenter. L'extrémisme islamiste et l'extrémisme fasciste sont les deux faces de la même pièce.
MANUEL
ABRAMOWICZ
RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite
SYNÉRGIE
/ RÉSEAU
Cet
article a également été publié ...
Dans
le dernier numéro d'« Aide-Mémoire » (juillet-août 2016), le
périodique des Territoires de la Mémoire, l'article de
RésistanceS ci-dessus a été republié.
Depuis la création à Liège, des Territoires de la Mémoire, le centre d'éducation à la résistance et la citoyenneté, le journal RésistanceS est en contact avec eux. Régulièrement, nous participons à leurs initiatives : comme formateurs, conférenciers, avec la publication d'articles dans « Aide-Mémoire »...
Pour
le lire directement sur le site des Territoires de la Mémoire
CLIQUEZ
ICI
© RésistanceS | Bruxelles | Jeudi 24 mars 2016