[RésistanceS – Lundi 28 mars 2016 – 10 h 25]
Republication à l'occasion
des incidents
survenus ce dimanche à la Bourse
d'un article de RésistanceS paru le 1er septembre
2001.
OBSERVATION
& ANALYSE - Depuis
les années septante, l’extrême droite, en Europe, s’intéresse
au football. Objectif : infiltrer les groupes de supporters violents
- les hooligans - pour recruter ces derniers dans ses « troupes
de choc ». En Belgique francophone, le phénomène n’est
également pas nouveau.
Certes,
de plus en plus régulée ici et là, la violence dans les stades de
football reste un phénomène international qui prend une ampleur
sans cesse croissante. Ce symptôme sociétaire est incarné par les
agissements des hooligans. Ces supporters violents sont devenus l’un
des publics cibles, à la fin des années septante, de l’extrême
droite anglaise qui voyait en eux des jeunes épris de « valeurs
nationalistes » et exprimant souvent leur « fierté
d’être blancs ». Professionnels de la guérilla en zone
urbaine, des jeunes hooligans deviendront des leaders locaux de
groupuscules néonazis d’outre-Manche, comme Combat 18, par exemple
(1).
Wallon’s
Boys et « Armée blanche »
En
Belgique, aussi, un processus d’infiltration des « sides »
(groupes de supporters violents de football), de diffusion d’un
message nationaliste auprès de leurs nervis et du recrutement de ces
derniers va s’opérer rapidement. En Wallonie, l’un des meilleurs
exemples de « side » - également appel « casual »
- de « supporters nationalistes » est les Wallon’s
Boys, actifs encore sous le nom de Charleroi Casual Crew
(CCC), du Royal Charleroi Sporting Club (RCSC). A diverses
occasions, ces « garçons wallons » participeront aux
manifestations d’AGIR, du Front national belge, des mouvements
Nation et REF. Notamment, celles organisées contre les églises
occupés par des réfugiés politiques et des étrangers clandestins
(2).
Leur
site Internet, en ligne jusqu’en juin 2000, présentaient les
Wallon’s Boy comme étant la « White Army Charleroi ».
Pourquoi ce nom ? Les maillots des joueurs du club carolo sont
blancs, mais ici la référence au blanc est clairement politique.
Dans une optique nationaliste, cette référence fait allusion aux
défenseurs de la « race blanche ». Un concept
particulièrement en vogue dans les organisations paramilitaires
terroristes néonazies. En plus, cette dite « armée »
informelle, arbore comme signe de ralliement la croix celtique, bien
connue des milieux néonazis.
Violence
et racisme affiché
Dans
la capitale, les hooligans de tendance nationaliste se rassemblent
parmi les supporters d’Anderlecht et de Molenbeek. Les plus
médiatisés sont les Brussels Boys. Apparus dans les années
quatre-vingt, ils rassemblent des supporters du Racing White Daring
de Molenbeek (RWDM). Avec un style langagier de type militant et
guerrier, ce « kop » est marqué par sa violence et son
racisme affiché. Sur son site Internet, l’un de ses animateurs
mentionnait récemment que sa « commune (est) surtout
composée de quartiers d'ouvriers mais cela a quelque peu changé car
maintenant ce sont surtout des bou... oups, pardon je voulais dire
des chômeurs. Néanmoins, un petit side résiste toujours à
l'envahisseur...». A la lecture du « guestbook » du
deuxième site des Brussels Boys, les annotations codifiées racistes
sont nombreuses. Le 29 juillet 2000, un de ses sympathisants
mentionnait : « Vivement la saison prochaine pour se remplir
la pense de bière et casser du bougnioul. » (sic).
Suite
à divers incidents violents, qui se déroulèrent durant des matchs
de football ou à d’autres occasions, comme en juin 1989 au cours
d’une véritable expédition punitive contre des jeunes d’origine
immigrée, des hooligans du RWDM seront condamnés par la justice.
Depuis
ces incidents impliquant des membres des Brussels Boys, ce noyau dur
d’hooligans « nationalistes » semble avoir disparu.
Avec une centaine de fanatiques de l’équipe du RWDM, lors de la
saison 1998-99, un nouveau club de supporters officiel a été créé.
Il reprend le nom de « BXL Boys », mais tente de
se distancier de l’image néonazie de son prédécesseur. Etonnant,
parce que le « guestbook » de son site Internet reste
alimenté constamment de messages clairement discriminatoires et
racistes. Un hasard ?
Hooligans
pour la guerre ethnique
Les
Brussels Boys comme les Wallon’s Boys sont surtout
composés de skinheads ne cachant pas leur sympathie pour les
symboles du régime hitlérien (3). Ils feront encore parler d’eux
au moment de l’Euro 2000, en juin 2000. Après les troubles qui
émaillèrent ce grand rendez-vous sportif, le mensuel Nation-Info,
du mouvement du même nom, publiera un dossier entièrement consacré
à ce sujet. A la lecture de celui-ci, nous apprenons que des
« supporters belges de tendance nationaliste et provenant de
plusieurs Sides de supporters (...) une sorte de ‘’White Side’’»
participèrent à divers combats de rue qui se déroulèrent au
centre de Bruxelles contre des ''jeunes''. » (4).
L’article
de Nation-Info consacré à cette « bataille de
Bruxelles » (sic), première étape de la « guerre
ethnique » à venir, se terminera par : « Certains
observateurs croient avoir aperçu des militants nationalistes
révolutionnaires, partout où ça chauffait : aux côtés des
anglais comme, et surtout, aux côtés du ’’White Side’’
belge. Délires ou action subversive bien menée ? Le saura-ton
jamais ? En tout cas, il apparaît qu’une poignée de jeunes
supporters belges ont sauvé l’honneur en participant et,
disons-le, en gagnant la bataille de Bruxelles. » (5).
Un
an auparavant, notre revue papier, RésistanceS, informait que
le groupe néonazi l’Assaut, fondé par Hervé Van Laethem, le
secrétaire national actuel de Nation, avait infiltré des « sides »
d’hooligans (6). A Bruxelles et en Wallonie, plusieurs « crânes
rasé » ont en effet été recrutés par le mouvement Nation.
Rédaction de RésistanceS
Web-journal de l'Observatoire belge de l'extrême droite RésistanceS
Notes
:
(1)
Implantée en Grande-Bretagne et en Suède, Combat 18 est une
organisation clandestine néonazie responsable d’actions
terroristes. Les chiffres 1 et 8 font références à la première
lettre de l’alphabet, le A, et à la huitième lettre, le H, soit
les initiales d’Adolf Hitler. Depuis l’année 2000, en Belgique,
la « division flamande » de Blood and Honour (réseau
skinheads « national-socialiste » international)
revendique une parenté avec Combat 18.
(2)
F.M. : « Les sans-papiers attaqués : des Wallon’s Boys
attaquent les occupants de la basilique à Charleroi », article
publié dans le quotidien La Dernière Heure le 7 décembre
1998.
(3)
A propos du mouvement skinhead, du côté francophone, un retour aux
véritables racines culturelles du début (notamment celles issues du
mouvement rasta) est enclenché à l’heure actuelle. Les skinheads
NS (nationaux-socialistes, également désignés sous les vocables de
« skinnazis » et « naziskins ») sont de moins
en moins nombreux en Communauté française, contrairement à la
scène skinhead flamande qui reste dominée par les NS. Les « crânes
rasés » francophones encore politisés se revendiqueraient
même des « redskins », ceux engagés dans les rangs de
la gauche radicale et marqués par des positions antiracistes.
(4)
Sous l’impulsion de l’ex-magistrate Marguerite Bastien (la
fondatrice-présidente du Front Nouveau de Belgique), dans les
publications racistes, afin de contourner la loi antiraciste du 30
juillet 1981, le terme « jeune » est utilisé pour désigner
insidieusement les jeunes issus de l’immigration nord-africaine.
(5)
« La bataille de Bruxelles », article non signé paru dans le
mensuel Nation-Info, n° 9, juillet-août 2000, p. 5.
(6)
« Robes noires et chemises brunes», R.J et C.I, rubrique
judiciaire du journal RésistanceS, n° 7, été 1999, p. 7.
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© Article du journal en ligne RésistanceS | asbl RésistanceS, Bruxelles | Première édition : 1er septembre 2001 | Réédition revue et adaptée : Lundi 28 mars 2016 | £
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